La kasàleuse Léa Yolande Afiavi, Bufflonne sauvage d’ici et d’ailleurs, s’est interrogée sur le Akô dans le cadre de sa formation comme animatrice d’ateliers de kasàlà. Voici des extraits tirés de son mémoire de fin de formation qui a donné lieu à sa certification par l’ÉKAR, en janvier 2023. Bravo Léa, Buffle aux trois lettres qui rallient et en imposent !
Akô, vous dites ?
En matière de Akô, le journal Afrik.com nous apprend « qu’aux temps anciens, l’une des formules très efficaces pour ramener la paix dans son couple au Dahomey (en 1975 le Dahomey change de nom et devient officiellement la république populaire du Bénin), c’est la déclamation du « Akô », (panégyrique clanique en français) à l’époux fâché. Véritable vivier de l’identité socio-culturelle béninoise voire africaine, le panégyrique clanique est un récit ou un texte oral, une série de paroles à caractère laudatif qui retrace les origines ainsi que les hauts faits d’une ethnie, d’un clan. C’est une grande source d’informations pour remonter aux origines d’un groupe socio-culturel. »[1]
Léa nous dit : « il n’existe pas une mais plusieurs définitions ou concepts qui expliquent ce qu’est le Akô et ce qu’il représente dans une famille. Paroles louangeuses bienfaisantes, au Bénin, déclamer le Akô de quelqu’un, c’est lui témoigner de la considération, du respect. C’est la preuve que vous le connaissez fort bien, tant individuellement que dans son milieu familial et collectif. Le panégyrique clanique Akô traditionnel joue un rôle important dans la transmission et dans la fixation de la pensée. Il est un élément de la culture qui concentre le verbe permettant de comprendre la problématique existentielle de chaque peuple, comme c’est le cas chez les Fons. Des Akô retracent aussi des périodes sombres telles que la période de l’esclavagisme, le commerce des hommes et des femmes. »
Situons-nous
Il faut savoir que « le Bénin est constitué d’un grand nombre d’ethnies, d’importance numérique variable et de répartition géographique inégale. Selon le recensement de 2002 (qui inclut les populations apparentées), les Fons sont les plus nombreux (39,2 %), fortement localisés dans les départements du sud. Ainsi, les Ahantun, Ananu, Ayato, Jêto, Gbéto, Hwègbonu, etc. sont quelques noms de clans du sud Bénin. À l’image des autres modes de transmission oraux : les contes, les chants, proverbes, il est une forme privilégiée de dévoilement du patrimoine culturel, d’expression des sentiments, de témoignage, des affinités, d’adresse des considérations…Selon le professeur titulaire d’histoire Félix Iroko, les panégyriques claniques constituent une création exclusivement africaine. ‘Ils n’existent pas en Europe, c’est purement africain, c’est donc une dimension importante de nos cultures parce que c’est en même temps une marque identitaire. ‘»
Akô d’hier et d’aujourd’hui
Pourquoi évoquer ce monument historique qu’est le Akô traditionnel pour l’envisager comme un monument moderne contemporain ? Jean Kabuta, promoteur du kasàlà contemporain, dit que tout art peut voyager différemment, se mouvoir, s’exprimer en tenant compte de la culture d’origine vers d’autres cultures, s’exporter en gardant son essence essentielle. Il peut situer chacun dans son milieu, son territoire, dans l’histoire connue par sa famille… c’est tout l’art d’être humain, universel.
Aujourd’hui, nous apprend Léa « des étudiants, des vieux, des jeunes, des chercheurs et des ONG soucieux de conserver cet art et de le transmettre aux plus jeunes, diffusent sur les réseaux sociaux le Akô de leur tribu. Ces étudiants, penseurs, conteurs ainsi que des associations conservateurs et amoureux du patrimoine culturel du Bénin ont retranscrit le Akô de certaines tribus, Akô qui sont d’ailleurs mis en vente au Bénin ou via internet. La structure du Akô n’est bien évidemment pas contemporaine mais elle tend à le devenir sur certains aspects car elle est remise au goût du jour par ces transmetteurs des Akô. »
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=pan%C3%A9gyrique+gbeto
Akô colère vitale et ubuntu
Léa nous dit que l’Akô apaise la colère vitale. « Aussi importe-t-il de savoir fredonner le panégyrique clanique du ou de ses conjoints afin d’avoir les mots exacts, les termes chargés de grandes vibrations pour calmer les nerfs en temps de colère ou pour mieux les amadouer. Savoir caresser pour obtenir le plaisir passe aussi par là. » Et Léa ajoute : « J’ose dire ici que le Akô véhicule des valeurs de l’Ubuntu car il nous aide à comprendre en profondeur ce que chaque individu d’une famille ‘a traversé ‘ dans son histoire de manière individuelle et collective’. Il peut nous apprendre aussi l’art d’être humain. »
Léa se raconte
Léa Yolande Afiavi nous raconte l’écho du kasàlà contemporain dans son corps, son cœur, son âme. Elle témoigne : « Mes parents sont arrivés en France dans les années en 1960. Au départ du Dahomey, ils avaient précieusement plié dans leurs malles, leurs pleurs, leurs coutumes, leurs nourritures leur Akô. À leur arrivée en France, ils ont déployé tous leurs trésors. Alors, ma mère et, comme la coutume le veux, ayant appris le Akô de la tribu de son époux le déclame à Cuers, à Toulon, à Marseille, aux « compatriotes » qu’elle reçoit à la maison. Ces derniers nous reconnaissent et se reconnaissent et les femmes de répondre par le Akô de leur époux. A toi tu es de l’ethnie du buffle, de ceux qui sont généreux à profusion ? et bien nous, nous sommes ceux qui ne baissent jamais la tête même devant le lion… Que de rires ! …. Qui signifient aussi, tu es Fon, tu es de telle ethnie, mes parents ont grandi dans ta maison, on est donc cousin ! »