De la poésie à l’action

LWALABA - Kasàlà de l'Afrique

Chers amis  

Venus de différents coins

De la ville de Rimouski-sur-mer

Située au pays de la Révolution Tranquille

Là où coule à flot le succulent sirop d’érable

Pays baigné par le majestueux Saint-Laurent

Chers amis venus de différents continents

Bonjour ! Bonjour encore !

I

Nous sommes les vaillantes filles    Et vaillants fils

De la RDC     Ou République Démocratique du Congo

Qui est située au cœur    D’un continent gorgé de richesses.

Selon les scientifiques    L’Afrique est le berceau de l’humanité

 

Nous venons avec joie ce soir    À ces Bains Publics de Rimouski

Vous raconter un fragment     De la longue histoire de notre pays

Vous faire découvrir et vous faire aimer    Ce géant qu’est La RDC

 

En d’autres termes nous venons    Vous dire qui nous sommes

À l’aide de quelques images   Et de quelques paroles fortes      

Nous venons vous dire    Les promesses que nous portons

Promesses glorieuses offertes    Par nos sols et sous-sols

Par nos fleuves et rivières      Par nos lacs et forêts

Par notre âme et notre esprit   Et par nos bras

 

Vous rentrerez chez vous ce soir     Devenus plus savants

Étant informés que le jardin d’Eden   Jardin rempli de merveilles

Se trouvait non pas au Proche-Orient   Mais au centre de l’Afrique

 

C’est là dit-on    Qu’Être-Suprême Artiste-Primordial   Conçut et plaça

Les premiers êtres humains    Et les autres vivants   Dans leur diversité

 

Suivant leurs caprices    Des Britanniques Français Portugais etcetera

Réunis à Berlin à la fin du XIXe siècle       Dessinèrent des frontières

À l’intérieur du continent africain     Aucun Africain n’y fut invité

 

Ils morcelèrent l’Afrique   S’attribuant des sphères d’influence

Où ils satisferaient     Leur désir d’or et de domination

 

Ainsi notre vaste terre      Legs de nos ancêtres

Devint propriété privée     D’un certain Léopold

Roi sadique   D’un minuscule royaume du Nord

Qui ne se donna même jamais la peine    D’y mettre le pied !

 

Au début du siècle dernier      Le roi barbu fait don à la Belgique

De ce précieux domaine     Dénommé État Indépendant du Congo

Celui-ci devient désormais une colonie       Dénommée Congo belge

 

La colonie est pillée sans scrupule   Au nom d’une mission civilisatrice

Un beau jour elle se révolte     Et se proclame République du Congo

L’envahisseur surpris finit par quitter   Mais non sans avoir comploté

L’assassinat du Premier ministre rebelle    Patrice Emery Lumumba

Qui était moins docile que le 1er président      Joseph Kasa-Vubu

 

Depuis lors d’autres prédateurs   D’Occident d’Orient ou locaux

Se ruent sur le pays que Mobutu baptisa    République du Zaïre

Et que Kabila rebaptisa   République Démocratique du Congo

Et que Tshisekedi-fils    S’efforce de redresser de reconstruire

 

Ils exploitent impitoyablement     Les ressources humaines

Ils se repaissent d’étain et de coltan    D’or et de diamant

De bauxite de cobalt      De cuivre de schistes bitumeux        

Et autres ressources naturelles    Dont regorge le Congo

  

Pendant ce temps    La population croupit dans la misère

La guerre entretenue par les pilleurs   Ravage l’Est du pays.

Depuis 1996 elle a coûté la vie    À des Congolais par millions.

En particulier la femme Porteuse-de-vie    Est cyniquement visée

 

En ce mois de juin     Nous nous remémorons l’accession en 1960

Du Congo à l’indépendance   Une indépendance verbale seulement.

Après 63 ans le colonisateur s’est démultiplié   La RDC peine à respirer

I can’t breathe   Please, the knee on my neck   I can’t breathe   Please!

 

Au milieu du dernier millénaire       Des aventuriers venus d’Europe

 Envahissent le continent américain.   Impitoyables ils dépossèdent

De leurs terres et de leurs cultures   Les populations autochtones  

Qui les avaient bien accueillis.     Ils en font de minables assistés

Qui se gavent de stupéfiants      Et autres substances addictives

 

Est-ce étonnant   Si l’être abîmé   Développe la double violence :

Violence conjugale    Forme d’agression de l’autre    Et suicide ?

II

Chez nous l’être abîmé    Résultat de la rencontre douloureuse

Avec des hordes de chercheurs d’or   Armées de fusils féroces

De livres saints et autres instruments     De broyage de l’esprit         

Se débat comme un diable     Pour retrouver sa souveraineté

 

Devant toute la souffrance infligée   Nous nous tenons debout

Nous restons résilients   Capables de prendre du recul et de rire

Rire de notre fragilité de nos incongruités    Rire de nous-mêmes

Et rien, absolument rien   Ne nous empêche de chanter de danser

Vivre pleinement jouissant de la grande santé   Telle est notre mission

 

Désobéissants qu’on appelle « Enfants-terribles »    Nous sommes

Ceux-qui-ne-commettent-pas-    Le-péché-de-se-laisser-opprimer

Nous sommes Steve Biko     Ceux qui refusent d’être complices

Dans le crime consistant à se laisser abuser   À se laisser écraser

 

Mikombo[1]-Contemporains      Nous trouvons autour de nous des outils

Et des alliances efficaces    Qui nous permettent de faire face à l’adversité

Nous avons en nous l’énergie   Qui nous propulse au-delà de nous-mêmes

Et nous sommes Porteurs-d’espoir    Solidaires des générations à venir

 

La flamme qui veillait toujours est attisée     Elle illumine l’esprit

Elle pousse la personne à marcher    Et à reprendre son pouvoir

Elle nous rappelle   Que l’Envahisseur n’aura pas le dernier mot

Que nous pouvons régénérer l’Afrique    Et lui rendre sa dignité

Si nous nous mobilisons   Si nous nous souvenons de nos noms

        

Vous parler de notre pays     C’est parler aussi de nous-mêmes

C’est dire nos noms de force    Nous que nos voisins reconnaissent

Comme Mangeurs-de-lions.   En effet le lion qui règne dans la savane

Le lion que toute la nature craint     Et qu’on appelle Roi-de-la-jungle

Nous, nous le mangeons     Avec ses pattes ses griffes et ses crocs

 

 

On nous reconnaît aussi    Comme redoutables Mangeurs-d’éléphants

Car l’éléphant massif à la peau dure     Qui écrase tout sur son passage

Nous autres nous le croquons tout cru    Avec sa peau et ses défenses

 

En même temps nous sommes   Mangeurs-de-plantes

Nous nous délectons     De plantes fines et croquantes

Nous nous nourrissons    De sublimes oiseaux de paradis

Et autres orchidées     Aux formes et couleurs enivrantes

 

D’autres par contre      Consomment de la malbouffe

Des aliments transformés   Des déchets et autres drogues

Lesquels minent leur santé   Et les tuent prématurément

En dépit des progrès fulgurants    De leur médecine   

 

D’ailleurs ces pauvres hères    S’abreuvent volontiers

D’images et de bruits nocifs    Diffusés sur leurs écrans

Qui les asservissent les isolent     Et aggravent leur détresse

 

Le Lion-à-la-jaune-crinière   Aux-muscles-aux-griffes-aux-crocs-puissants

Comme l’éléphant-gigantesque   À-la-peau-rugueuse-aux-défenses-pesantes

C’est le racisme la discrimination la répression   Sous toutes leurs formes

Les plantes croquantes     C’est la paix la sécurité et l’art d’être humain

 

Nous sommes aussi Le-Nil-Prodigieux    Métissage des deux Nil

Le Bleu et Le Blanc    Engendrés l’un au Lac Tana en Éthiopie

Et l’autre au Lac Victoria     En Ouganda Kenya et Tanzanie

  

Source de la civilisation   De l’Égypte Antique

Qui inspira le monde connu    Sur tous les plans

Et dont la splendeur   Continue d’éblouir l’humanité

Nous relions l’intérieur de l’Afrique   À la Méditerranée

 

Nous sommes enfin      Le-Lwalaba-Incomparable

Qui baigne toute la RDC     Depuis le Sud jusqu’à l’Ouest

L’Hospitalier qui après avoir accueilli     Une infinité d’affluents

Se jette riant dans La-Mer-sans-fond    La-Mer-incommensurable

Miroir-du-firmament-illimité     Miroir-de-Plus-Grand-Que-Soi

Où il perd le nom Lwalaba     Pour n’être plus… qu’Océan

[1] Mikombo est le héros d’un récit épique lubà (RDC).

III

Vous l’avez compris     Amis qui nous prêtez l’oreille

« Océan » n’est qu’une métaphore     Pour le continent africain

Qui s’étend depuis le Maghreb   Jusqu’au Cap de Bonne-Espérance

Et de la Somalie-sur-Océan-Indien     À la Gambie-sur-Atlantique

Maison chaleureuse qui héberge     Près d’un milliard et demi

D’êtres humains     Dans leur incroyable diversité

Et qui héberge    Un grand potentiel de bienfaits

Pour les habitants du continent    Trop longtemps meurtris

 

La RDC est membre    De la Communauté de l’Afrique de l’Est

Qui élimine les barrières diverses   Et préfigure l’État confédéral rêvé

Formant une Afrique unie   Rêve de Nkrumah et d’autres esprits éclairés

Tels Marcus Garvey et WEB Dubois    Tels PKI Seme et PLO Lumumba   

Tels Padmore, Farnana et Ture   Nyerere, Kadhafi ou Dlamini-Zuma

Sans oublier Haile Sélassié    Le 1er président de l’OUA dès 1963

 

Quel chemin n’avons-nous pas parcouru   Depuis les raids endurés

Les déplacements forcés   Les cales négrières les champs infâmes

Les travaux forcés les mains coupées   Les soulèvements hardis

La révolution haïtienne    La conquête de nos indépendances

La lutte pour nos droits civiques   La lutte contre le racisme !

 

Nous sommes les Résistants   Nous sommes les Invincibles

Nous sommes les Combattants-    Qui-préfèrent-mourir-debout-

Plutôt-que-de-vivre-à-genoux    Nous sommes Ceux-qui-se-battent-

Pour-libérer-les-générations-à-venir   Pour créer les conditions du bonheur

 

Nous sommes Ceux-qui-défendent-la-vie-     Au-delà-de-leur-propre-temps  

Tenants d’une Union Africaine qui a un agenda    Même si 2063 semble loin     

Les artisans d’une Afrique reconfigurée      Où règnent la paix et la sécurité 

Ceux-qui-se-réjouissent-aujourd’hui     D’une-Afrique-régénérée-demain

Et d’un monde plus beau pour tous    Quelle que soit leur apparence

 

Héritiers des Mikombo des Ilunga Mbidi     Et des Mwindo Kabutwa-Kenda[1]

Nous nous battons avec notre intelligence    Avec notre voix et notre plume

Avec nos muscles avec la coopération de nos alliés   Qui peuplent la nature

Parler de la RDC    C’est parler de l’Afrique

Non seulement l’Afrique présente   Morcelée agressée pillée

Mais l’Afrique de demain   Unie solidaire souveraine hospitalière

 

C’est parler d’une Afrique   Qui accueillera ses filles et fils prodigues

Partis depuis des siècles   De l’autre côté des déserts et des Océans

Et désireux de retrouver   Leur terre-mère où dorment les ancêtres

 

 

C’est parler d’une Afrique     Embellie avec des apports d’ailleurs

Et redevenue un lieu où la personne noire   Ait sa place au soleil

Un lieu qui épargne à sa jeunesse   Des traversées périlleuses

Vers de prétendus eldorados     Où elle se fait profiler

Où elle se fait discriminer    Où elle se fait humilier

 

Parler de l’Afrique    C’est parler du monde de demain

Un monde où règnent   La diversité la fraternité l’art d’être humain      

Un monde où il fasse bon vivre   Pour chaque être humain

[1] Ilunga Mbidi est le héros d’un mythe luba (RDC) et Mwindo K.K. le héros d’une épopée lega (RDC).

 

IV

Moi qui vous parle   Je suis Kasàlà-Contemporain

Jean Kabuta Le-Polyglotte dit Jandhi    Je communique

Avec les humains et la nature    Avec le visible et l’invisible

Jadis j’ai enseigné aux gens d’Europe    Leurs propres langues

Je leur ai aussi révélé    Les merveilles des langues africaines

J’ai fait mieux encore :    J’ai dévoilé au monde le kasàlà

L’art de dire merci     De s’émerveiller et de célébrer

 

Phénomène-Complexe   Qui ne cesse de se métisser

J’ai enrichi le kasàlà hérité    D’expériences accumulées

Au cours de voyages   Au cœur de l’Occident de l’Orient

Au cours de méditations soutenues    Au cœur du monde

J’ai écrit pour les lecteurs    D’aujourd’hui et de demain

Ma parole et mon geste    Cultivent et sèment la joie    

 

Aujourd’hui    Oiseau-vieillissant-toujours-agissant

Je transmets à la postérité    L’héritage reçu et augmenté

Poète-à-la-vue-lointaine    J’initie mes semblables humains

Quels que soient     Leur pays leur culture leur apparence

À l’art de construire     Des ponts et des champs d’envol

 

Voilà l’art de créer   La Personne dont on est la promesse

Au sein d’une communauté      Génératrice de bonheur

Un bonheur qui n’a de sens   Que quand il est partagé

Proclamé par Jean N.S. Kabuta
En guise d’introduction au PPT sur l’Afrique
Bains Publics de Rimouski, le 18 juin 2023
Pour les 63 ans du Congo