Retrouver son pouvoir
Je suis N.S. Kabuta docteur en linguistique Professeur émérite
Enfant d’Afrique égaré en Occident Rattrapé par la nostalgie
Où suis-je ? Où est-ce que je me sens vraiment chez nous ?
Où aimerais-je être enterré ? Je fais un retour au pays natal
Je veux fonder un foyer Je confie la question matrimoniale
À ma famille retrouvée Elle me marie à une semi-scolarisée
Provenant d’une famille Où fait rage la maladie mentale
Pourquoi je ne me suis nullement inquiété Je ne sais !
J’ai besoin de communiquer J’ai soif d’une voix maternelle
Or souvent il me faut hurler Pour amener Yayuyu à la raison
Nous voilà vociférant ! Dans sa famille on communique ainsi !
Comment communiquer Par la bouderie ou la criaillerie ?
Excellent élève J’ai intériorisé un nouveau dogme
Qui dit qu’un bon mari C’est un mari pourvoyeur !
Envoûtement ! Euphorie ! La raison m’abandonne
Je confie à Yayuyu Le code de mon coffre-fort !
À mon insu je lui donne Le pouvoir absolu l’emprise totale sur moi !
Elle en use et abuse se pavanant Se félicitant d’avoir tiré le gros lot
Je me réveille dès les premières semaines Mais allez savoir pourquoi
J’attendrai 30 ans pour quitter Pour aller à la recherche d’air frais !
Malgré toute mon instruction J’ai renoncé à mon pouvoir d’agir
Je l’ai abandonné à ma famille À des opportunistes de Kinshasa !
Me voilà consommé par ma propre œuvre : Une marâtre-sorcière !
Voilà que revient la peur Qui m’a accompagné toute mon enfance !
Nourrisson abandonné J’ai pleuré longtemps ma mère répudiée
Une enfance sans mère Une enfance sèche passée à me cacher !
Masochiste j’ai inventé ma tyranne J’ai construit un foyer-prison
Je m’y suis enfermé pendant 30 ans ! Il me faut une thérapie !
Il me faudra quatre ans pour divorcer Et dix ans pour vendre ma maison
Un bijou où j’ai cru bon de la laisser Et qu’elle a malmené qu’elle a ravagé
Tout en me dépouillant Tout en m’accablant d’insultes et de malédictions
Seule excuse : le droit à l’erreur ! Seule consolation : nos quatre enfants !
Par bonheur j’aime griffonner Je griffonne sans arrêt
Pour le dire en d’autres termes Je noircis constamment du papier
Je pose longtemps mon regard Sur un phénomène habituel inhabituel
Je le vois d’un regard neuf Je tente de le nommer à travers l’écriture
Si c’est une situation terrorisante Je finis par la vider de son pouvoir
Et par la réduire à l’inessentiel Alors j’accueille le sublime
Qui a besoin d’espace Et qui seul importe
Je sors de là toujours nettoyé Toujours allégé toujours renouvelé
Mes kasàlàs sont des stations d’épuration Et de renouvellement
Ils marquent la transition Entre le passé et l’ère de l’amour absolu
On peut à tout moment s’arrêter Cesser de pleurer de trembler
Se libérer des conditionnements Et prendre une voie différente
Une voie plus responsable plus constructive Et plus exaltante !
Je pourrais passer le temps qui est devant moi À me morfondre
À essayer de m’expliquer Pourquoi je me suis respecté si peu
Pourquoi je me suis aimé si peu Pendant de si longues années
Ce n’est pas cela que je fais Je me lève chaque matin joyeux
Rempli de gratitude Pour la vie que j’ai enfin réussi à m’offrir
Aux côtés de mon Alliée-de-rêve Une vie adaptée à mon rêve
Ma thérapeute n’est autre que l’écriture Ciseau de sculpteur
Qui fait de moi un umuntu Une personne digne de ce nom
Outil noble qui me restitue Ma santé et mon pouvoir d’agir
Je suis Jean Kabuta Le-Patient Au Québec on m’appelle Jandhi
Pour souligner ma nouvelle identité Fruit d’une longue patience
Voilà que rayonnent l’être et l’œuvre Quelle suave récompense !
Jean Kabuta
Rimouski 02 janvier 2023
Jour où fut signé l’acte authentique
Et où fut tournée la page